LES TROIS PILIERS D´ARCADIE







La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles:
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Charles Baudelaire. Les Fleurs du Mal

X- LES TROIS PILIERS D´ARCADIE : QUI GIT DANS LE TOMBEAU ?

 

ET IN ARC-A-DIA EGO

 

J´ai fait un parallèle au chapitre précédant entre le Vitruve de Léonard et les Bergers d´Arcadie de Poussin.

J´y disais que Vinci se représente dans un carré compris dans un cercle. Lui, homme soumis au monde matériel ( 4 ), simple mortel, est dans l´ARC de Dieu,
Et In Arc-a-Di Ego
(Di donna Deus )   
 

Ceci va pour la langue d´oiseau en français, mais Poussin habitait Rome et la langue officielle, encore à son époque est surtout dans cette ville était le latin.

ET IN ARCA-DIA EGO !  arcanus qui décline en arca veut dire discret .


Discrètement Poussin, puisque c
´est lui qui illumine, se place au centre du Cercle.

Nous avions déjà « joué » avec le nom du prêtre dédié à Jupiter ou Dialis, en disant qu´il  fallait réduire la durée, indiquée par Poussin sur son tableau,
non aux saisons, mais à la journée  (
voir chapitre )
Mais il y a une autre définition : 
Dia n´est autre que Cérès

Mais Cérès a-t-elle un sens ici, dans ce contexte ?
Nous allons voir comment cette discrète déesse nous ouvre de plus larges horizons quant à l´appréciation du message laissée à la postérité par cet artiste.


”DIA EGO” de la première « version » des Bergers par Poussin

 

LES REPRESENTATIONS DE CERES

Voyons quelques représentations de cette déesse. D´abord celle de Vouet dont les couleurs sont les mêmes que la Dame de Poussin, puis une statue antique dont les vêtements rappellent cette Bergère.

Cérès, aussi appelée Dia, est la déesse de l’agriculture, des moissons et de la fécondité.

On représente souvent
Cérès sous la forme d’une belle femme blonde et grande.

Elle porte une draperie de teinte jaune, couleur des blés mûrs.

Outre une couronne d’épis de blé, elle porte une diadème très élevée. Sa robe tombe jusque sur les pieds.

Nous avions associé cette Dame-Bergère à l´automne, aussi par le Jaune ambivalent de son vêtement. ( voir )

Cérès est aussi ambivalente comme nous allons voir.

CERES ET LA KABBALA


Triade éleusinienne : Cérès, remettant à les graines sous les yeux de Coré.
Coré n´est autre que Perséphone sa fille.
Triptolème est l´héros grâce auquel l’humanité apprit l’agriculture, et donc la civilisation.

 Il répand le culte de Cérès et crée les mystères d’Éleusis.

Une des version de la mythologie nous narre qu´avec son frère, Jupiter épris de sa beauté, elle eut  Proserpine connue aussi comme  Perséphone. Cérès fut aussi désirée par Neptune, et afin d´échapper à sa poursuite, elle se changea en jument. Le dieu s’en aperçut et se métamorphosa en cheval. Les amours de Neptune la rendirent mère du cheval Arion.

Voici ce qu’en dit Pausanias (Arcadie, 25) :
« On rapporte que Déméter ( Cérès )eut de Poséidon une fille, dont il n’est pas permis de dire le nom à ceux qui ne sont point initiés, et le cheval Areion. Voilà pourquoi, dit-on, les Arcadiens ont donné les premiers le surnom d’Hippius à Poséidon. »

Ainsi les Phigaliens, en Arcadie, lui dressèrent une statue de bois dont la tête était celle d’une jument avec sa crinière d’où sortaient des dragons. On l’appelait la
CERES NOIRE.

Cette statue aurait brûlée par accident, les Phigaliens négligeant le culte à Cérès, furent punis d’une affreuse disette, qui ne cessa pas avant que, sur le conseil d’un oracle, la statue fût rétablie. On explique souvent la noirceur  de nos vierges par des incendies… Puis nous avons vu Hécate, la lune noire qui annonce la mort.

Cette « femme jument » rappelle  la Qabale, Cabale, Kabbale, Kabbalah,  Qabala ou Cábala car « caballo » en castillan, c´est le cheval et « yegua » ou jaca, sa femelle, mais caballo au féminin serait caballa, terme qui a , à peu près, la même résonnance que cabala.

La kabbale est une science qui permet de comprendre l’univers et de se comprendre soi-même.

éminent kabbaliste Baal Hasoulam parle d´elle en la nommant SAGESSE ou  « révélation de Sa Divinité à Ses Créatures en ce monde » . La Dame de Poussin est associée à la Sagesse, et aux révélations, comme nous avons vu auparavant.

Georges Lahy décrit la kabbale comme « la dimension interne de la Torah, correspondant au sod (
la connaissance secrète) des quatre niveaux de l’intérieur de la Torah (connus sous le nom de pardès) ».

Le Pardès, littéralement « le verger », donnera ensuite le paradis, désigne, dans la tradition de la Kabbale juive, un lieu où l’étudiant peut atteindre un état de béatitude. On peut le comparer à l´Arcadie, paradis des Dieux grecs, avant l´Olympe.

Selon ses adhérents, la compréhension intime et la maîtrise de la Kabbale rapprochent spirituellement l’homme de Dieu, ce qui confère à l’homme un plus grand discernement sur l’œuvre de la Création par Dieu.

C´est bien là le message laissé par de Vinci sur son Vitruve et sa Joconde, comme celui de Poussin, spécialement sur ses Bergers d´Arcadie

Revenons à Cérès, et ses mystères.

LES MYSTERES DE CERES ou SALUT DE LA VIE , APRES LA MORT

Elle est représentée comme déesse des pauvres. Les Bergers sont bien des humbles gents.

En Crète, en Sicile, à Lacédémone et dans plusieurs autres villes du Péloponnèse, on célébrait périodiquement les Éleusinies, ou mystères de Cérès.


Dans ces mystères, dédiés à Cérès  les cérémonies étaient emblématiques : on suppose qu’elles avaient trait uniquement aux évolutions des astres, à la succession des saisons et à la marche du soleil. Le silence étant religieusement observé par les initiés, on en est réduit à de pures hypothèses.

On a bien l´impression « d´écouter » ce silence émanant de la toile de ce Maître, même si la toile devient de plus en plus parlante.



L´Esprit du Printemps de Mucha, que l´on pouvait voir
à la villa Béthanie du temps de Saunière.

 

Il s´agit de Perséphone avant d´être enlevée par Pluton, dieu des Enfers,
assimilé au Diable chrétien.

Diable que l´on voit en sculpture, comme gardien d´une fontaine ou source.

Sous les pieds de Perséphone il y a des graines de grenade. La dégustation de ce fruit lui valu son châtiment et le notre par le début de la ronde des saisons.

Ces initiés se considéraient comme placés sous la tutelle et la protection de Cérès : on leur faisait espérer une félicité sans bornes. Tous les initiés préservaient les secrets de la religion et croyaient fermement qu’ils connaîtraient eux aussi une vie après la mort à cause de leur initiation à ces mystères.

Comme la divulgation des rites était strictement défendue et qu’aucun auteur n’a trahi ce secret, aucun écrit ne documente avec précision les cérémonies plus anciennes.

Les mystes, les nouveaux initiés, recevaient des révélations des initiés et accédaient au salut et à la vie après la mort.

Ce sont les mystères d’Eleusis (« le retour ») qui ont le plus de célébrité. D’Eleusis ils passèrent à Rome, où ils subsistèrent jusqu’au règne de Théodose.

Ces mystères étaient divisés en grands et en petits. Les petits mystères étaient une préparation aux grands mystères ; ils se célébraient près d’Athènes, sur les bords de l’Ilissus.

L’Ilissos ou Ilissus est une rivière
, si elle coulait encore durant l’antiquité et à l’époque moderne, elle est de nos jours pratiquement intégralement canalisée et souterraine et elle n’arrive que très rarement à la mer. Une petite partie aérienne est visible près de l’Olympéion et du Stade panathénaïque. Durant l’antiquité, elle était au-delà des remparts de la ville. N´est-ce pas une source qui naît prés des pieds de la Dame de Poussin ? L´eau est source de vie et celle du tableau semble naitre de sous le tombeau.

Les petits mystères, ouverts à tous, à Agraï, à l’est d’Athènes, sur les rives du fleuve Ilissos. Ils se déroulent principalement sous la forme de rites de purification dans les eaux du fleuve. C’est au cours des petits mystères que débute l’instruction des candidats à l’initiation. Ces derniers, à la fin des cérémonies, prennent le nom de mystes "initié".

 

A l’automne ont lieu les grands mystères, rites s’étalant sur 9 jours accessibles aux seuls mystes. Ils débutent par le départ d’une procession de jeunes hommes, les éphèbes, se rendant d’Athènes jusqu’à Éleusis pour y chercher les hiéras (objets sacrés). Ceux-ci sont ensuite rapportés voilés jusqu’à Athènes, où ils sont déposés dans le sanctuaire de l’Éleusinion.

Les cérémonies se poursuivent pour les mystes par un bain purificateur dans la mer, où est également plongé un porcelet qui est ensuite sacrifié. Une nouvelle procession part alors d’Athènes pour retourner à Éleusis et y rapporter les hiéras. À Éleusis se déroulent des célébrations de Déméter et Perséphone et des sacrifices en leur honneur.

L'initiation aux grands mystères a lieu dans le Télestérion, après consommation d’une boisson sacrée, le kykéon, composé d´eau farinée.

Seuls les initiés avaient le droit de pénétrer dans le Télestérion et d'assister aux mystères. Nul n'avait le droit d'en révéler le secret sous peine de mort. Ils comprenaient probablement des représentations sacrées de la quête terrestre de Déméter à la recherche de sa fille Perséphone.


Les initiés eux-mêmes entraient alors dans la peau de Déméter, errant dans le Télestérion plongé dans l’obscurité. La fin de la quête de la déesse et la réapparition à la surface de Perséphone est signifiée par le retour de la lumière dans le
temple et la présentation aux initiés d’un épi de blé.

Les grands mystères comprennent une seconde étape, à laquelle ne peuvent participer que ceux qui ont été initiés depuis une année au moins. Il s’agit certainement aussi d’une représentation sacrée, mais qui, évoquant l’union de Déméter et de Zeus, se rapproche plus d’un culte de la fertilité.

C’est à la fin de cette étape que les initiés prennent le nom d’epoptes,  "ceux qui savent" ; ou
les Epoptai, «  ceux qui ont vu »

Nous avions parlé de ce
mystérion, à propos des autoportraits de Poussin.

Les Grands mystères duraient neuf jours, équivalents à  la durée de l’errance de Cérès à la recherche de sa fille. En septembre, avant l’automne, on se préparait aux cérémonies préliminaires qui se déroulaient à l’extérieur , elles sont donc mieux documentées.

Les mystères de Cérès conféraient une sorte de noviciat. Après un certain laps de temps plus ou moins long, le novice était initié aux grands mystères, dans le temple d’Eleusis, et pendant la nuit.

Quatre ministres présidaient aux cérémonies de l’initiation. Le premier était l’Hiérophante, ou celui qui révèle les choses sacrées ; le second, le Dodonque, ou chef des Lampadophores ; le troisième, l’Hiérocéryce, ou chef des hérauts sacrés ; le quatrième, l’Assistant à l’autel, dont l’habillement allégorique représentait la LUNE.
 
L’archonte-roi d’Athènes était le surintendant des fêtes d’Eleusis. Les ministres subalternes étaient fort nombreux et distribués en plusieurs classes, suivant l’importance de leurs mystérieuses fonctions.

Les fêtes d’Eleusis duraient neuf jours, chaque année, dans le mois de septembre. Pendant ces jours, les tribunaux étaient fermés. Donc pas de Jugement ici ! pas comme l´assemblée nocturne qui avait lieu sur l´Aréopage athénien, présidée par les trois archontes.

 

LA PAX DE CERES ou L´IMPORTANCE DES MYSTÊRES


Les faits suivants montrent quelle fut l’importance des Mystères d´Eleusis  aux yeux des Grecs. Deux mois avant la pleine lune de septembre, qui fixait les débuts des mystères, des hérauts spéciaux proclamaient dans toutes les villes importantes de Grèce une trêve sainte pour tous les clans grecs pour une durée de 55 jours. Tout bruit d’armes se taisait toutes les hostilités étaient suspendues. Les hommes se souvenaient tout à coup qu’ils étaient frères, enfants d’une même mère, la terre.





« 
Et sur son sentier, cherchant partout la trace de son enfant, Cérès (Déméter) saluait le rivage désert : aucun gazon n’y verdoyait. Aussi loin que la portaient ses recherches, partout elle trouvait la misère, et dans son esprit elle se lamente sur la chute de l’homme » Friedrich von Schiller

Déméter préfère rester désormais parmi les hommes qui souffrent et qui meurent, par compassion.


PERSEPHONE, REINE DES MORTS  versus CORE DEESSE DES BLES

 

Cérès a une fille unique Perséphone chez les grecs. Mais sa fille, alors qu’elle cueillait des fleurs avec ses amies, fut enlevée par le dieu du monde souterrain, Pluton. Cérès ne s’en remit pas et arrêta de se préoccuper de l’agriculture

Cérès- Déméter partira à la recherche de sa fille unique pendant neuf jours et neufs nuits avant de déclarer : « 
La Terre sera affamée tant que je n’aurai pas retrouvé ma fille », d´où l´ambivalence du personnage.

Le soleil décidera alors de révéler à Déméter que c’est Hadès qui a enlevé sa fille.

La déesse ira aux Enfers la chercher mais Hadès refusera de la rendre. L’affaire est portée devant Zeus, qui
n’est pas capable de prendre une décision car il ne veut pas froisser ni sa sœur, ni son frère, Hadès-Pluton.


Constatant que Coré a mangé sept graines( cinq ou six selon les versions ) de grenades, le fruit des morts, Coré doit rester aux Enfers.


Cependant Zeus décide d’un compromis. La jeune fille passera en tant que Perséphone six mois aux Enfers aux côtés de son époux qu’elle finit par apprécier et aimer.

Le reste de l’année elle retournera sur Terre en tant que Coré, elle aidera sa mère pour le printemps et l’été. Ainsi la période hivernale est la période où Perséphone vit aux côtés de son époux. Sa mère étant triste assèchera la Terre. Il était bien question de Saisons !

Perséphone semble avoir accepté son rôle de reine des Morts car, dans les légendes, elle agit toujours en accord avec son époux. Elle se montre même dure et inflexible.

Divinité infernale, elle est aussi à l’origine une déesse du blé, comme sa mère.

Chez les Grecs, la fertilité du sol est étroitement liée à la mort, et les grains de semence sont conservés dans l’obscurité pendant les mois d’été, avant les semailles de l’automne.

Nous avons bien retrouvé cette graine cachée dans l´obscurité du ventre de la terre, et qui avec le soleil germe, sur les Bergers d´Arcadie, dans les chapitres précédents.

Ce retour de la vie après l’ensevelissement est symbolisé par le mythe de Perséphone, enlevée, puis restituée, et donne naissance aux rites des mystères d’Éleusis.

Pour les fidèles, le retour sur terre de la déesse est une promesse formelle de leur propre résurrection.

 

Le mythe de Perséphone est également célébré aux mystères de Samothrace, où elle est identifiée à la déesse Axiokersa.

 

Perséphone était nommée par les Romains comme le « Serpent qui rampe sous la terre »



Dante Gabriel Rossetti , 1877,
Perséphone


ZAGREUS, LE SERPENT ET LA RESURRECTION

Le Rapt de Perséphone

 

Toutefois, certains auteurs antiques ne reconnaissent pas Perséphone comme la fille de Déméter-Cérès, mais comme celle du Styx, et selon eux Perséphone est depuis toujours la déesse des Enfers.

STYX PRESIDAIT A UNE FONTAINE D’ARCADIE DONT LE COURS SE TERMINAIT AUX ENFERS.
( voir : Helios Et Phaeton Avec Saturne Et Les Quatre Saisons  de Poussin ) Est-ce Styx que représenta Poussin sur sa première version des Bergers d´Arcadie ? Il porte une couronne d´olivier, arbre typique de la Grèce, mais puisqu´on parle d´Arcadie…Symbole de longévité et d'espérance, et de pardon, l'olivier est réputé éternel.

Perséphone passe aussi pour être la mère de Zagreus, conçu avec Zeus métamorphosé en serpent.

Zagreus, passe aussi pour être le fils de Zeus et de Déméter-Ceres et il figurait aussi dans les mystères d’Eleusis. Donc le symbolisme reste le même !

Zeus aurait pris la forme d’un serpent pour s’unir à Perséphone;
le dieu voulait faire de cet enfant son successeur et lui confier un jour la royauté du monde. A sa naissance, il le confia à Apollon et aux Curètes qui le cachèrent dans les bois du Parnasse.

Malheureusement il fut retrouvé, par les Titans envoyés par Héra toujours aussi jalouse et pour cause,  qui le mangèrent en partie bouilli et en partie cru.

Athéna et Apollon ne purent sauver que le cœur encore palpitant de l’enfant. Zeus foudroya les Titans et de leurs cendres serait issu le genre humain, triste ascendance !

Zeus le découpa en petits morceaux et le mélangea dans une boisson pour Sémélé (ou il avala lui-même le cœur) et régénéra ainsi l’enfant qui naquit une seconde fois d’où le nom de Dionysos « qui est né deux fois ». La légende rejoint ici celle de Dionysos.

En effet Sémélé est  la déesse phrygienne de la Terre, fêtée au printemps. Sémélé, conseillée par sa rivale Héra, demanda à Zeus de lui apparaître dans toute sa gloire. Épouvanté, Zeus se présenta donc devant elle avec sa foudre et ses éclairs : en un instant la malheureuse fut foudroyée.

Le dieu eut cependant le temps de retirer, du sein de Sémélé, Dionysos, le fils qu’elle avait conçu. Zeus l’aurait ensuite gardé dans sa cuisse jusqu’à ce qu’il naisse, épisode qui donna naissance à l’expression « sortir de la cuisse de Jupiter » chez les latins.

Par la suite, Dionysos, dieu de la viniculture, devait trouver à Lerne, guidé par Prosymnos, UN BERGER, une route vers les Enfers. Il arracha sa mère au royaume des Ombres, et la transporta dans l’Olympe, où elle devint immortelle sous le nom de Thyoné.


CERES ET
L´IMMORTALITÉ

      

Hermès, Déméter et le retour de Perséphone par Leighton
Carl Olaf Larsson, Cérès et sa fille
Perséphone par Blackeri

Remarquez que Perséphone porte une couronne de Lierre, symbole d´immortalité, et les lys blancs associés à la pureté de la Vierge Marie… ce qui peut donner une date….

Le mystère central, dans chacune de ces deux sectes, celle de Ceres-Perséphone et celle de Dionysos-Bacchus était celui de la mort et de la résurrection, symbolisées par la décomposition de la graine dans la terre et sa réapparition sous la forme d’un être vivant qui s’élève vers la lumière.

Déméter (Terre Mère) sera identifiée par les Romains à la déesse italique du blé Cérès après avoir été identifiée, dans des temps très anciens, à la déesse égyptienne Isis, à la déesse phrygienne Cybèle, et à sa propre mère, Rhéa. Déméter préférera vivre sur terre plutôt que sur l’Olympe, notamment à Eleusis, en Attique, en Arcadie.

Déméter, partie à sa recherche pendant neuf jours et neuf nuits, sans manger, ni boire et munie d’un flambeau, rencontrera HECATE qui vivait dans une grotte. Elle avait entendu parler de l’enlèvement et conduira Déméter au dieu-soleil Hélios, témoin du rapt, qui estimera malgré tout qu’Hadès, frère de Zeus, était un excellent parti qui possédait un vaste royaume. Ici, encore, Lune et Soleil, une fois de plus,  font la paire !

Déméter  voyagera, ira en Arcadie à la rencontre de son frère qui voudra la violer, et tentera de s’enfuir en prenant la forme d’une jument. Poséidon prendra l’apparence du cheval, son animal sacré, et s’unira à la déesse qui donnera naissance au cheval Aréion et à la déesse Despoina. Pan rapportera à Zeus qu’il avait trouvé Déméter cachée dans une grotte. Ce dernier enverra les MOIRES, c´est à dire les Parques, la convaincre de la qualité du mariage de sa fille avec Hadès.

Déméter, déguisée en vieille femme fatiguée, sera si bien accueillie par Métanira, la reine d’Eleusis, qu’elle proposera de devenir sa domestique. La déesse élèvera Démophon qui venait de naître
. Elle s’efforcera de le rendre immortel en l’oignant d’ambroisie le jour et en le plaçant dans le feu la nuit, afin de brûler la partie mortelle de son corps. Prévenue par Praxithéa, l’une des servantes, Métanira poussera un cri d’effroi qui provoquera le courroux de la déesse. Celle-ci, reprenant son apparence de divinité, ordonnera à Céléos de lui ériger un temple à Eleusis et lui apprendra les rites secrets des « Mystères d’Eleusis ». Elle enverra Triptolème, fils aîné de ce dernier, avec  un char tiré par des dragons et des grains de blé afin qu'il en répande la culture sur toute la terre.

Pendant ce temps, les homme mouraient de faim, la Terre était devenue stérile..

Le secret de ces mystères a été bien gardé : on ne devait rien révéler, serment oblige. Nous n’avons que quelques textes, des pères de l’Eglise chrétienne, qui ont été renseignés par certains « mystes » initiés convertis au christianisme, donc « agents doubles »



QUI GIT DANS LE TOMBEAU ?

Poussin  avec ses Bergers d´Arcadie semble parler des quatre saisons. Malgré tout, même s´il y a sur le tableau quatre personnages, nous avons constater que le printemps et l´été, donc les belles saisons, sont inversées. Par ce procédé Nicolas nous oblige à faire un examen plus exhaustif de son travail, de l´Arcadie et de sa mythologie. N´oublions pas que le Bernin dit de cet artiste qu´il «  travaille de la tête »

L´artiste met donc le point sur ces six mois de beau temps, tout en plaçant la scène dans un paysage désolé, hivernal ou automnale.
Sa Dame porte le jaune de l´automne et le bleu noirâtre de l´hiver, à ses côtés nous avons le Berger Rouge qui est le printemps.
Que se passe-t-il durant ces «  tristes » mois ?

Que Perséphone, la reine des morts, n´est plus sur terre avec sa mère Cérès.

Déméter- Cérès incarnait pour les antiques, la terre nourricière qui nous recueillera après la mort,  sa fille sera notre  reine.

Dès lAntiquité, on appliqua lhistoire de Corè au grain déposé dans la terre, qui poussera ; c´est le  cycle végétatif qui rythme des saisons du blé :
MIS EN TERRE EN AUTOMNE, LE GRAIN Y RESTE TROIS MOIS. Hadès, lui, a un autre nom , il s´appelle aussi  Pluton, « la Richesse ».

Déméter
ou Demetra signifie en grec déesse mère et Coré, la Vierge, toutes deux précédent au panthéon olympique.

On les nommait «  les deux Déesses ».L´hymne homérique vénère Cérès comme «  porteuse de saisons ».

Déméter donna aux athéniens le grain, qui différenciait  l´homme des animaux et par ses Mystères, elle leur rendait l´espoir ( bleu + jaune = vert ) pour cette vie et pour la suivante, celle de l´au-delà, par sa fille.

Cérès doit  « enterrer » sa fille tous les ans et tous les ans, elle attendra son retour.


Tombeau à Paris, remarquez l´entrelacement des doigts qui rappelle celui des mains de Marie Madeleine sur beaucoup de tableaux et particulièrement sous l´autel de B. Saunière


QUELQUES FETES DONNANT UNE DATE ?

A présent regardons notre christianisme : Marie est représentée soit comme Mère, soit comme Vierge.
Mère de Dieu , dont le fils nait en hiver et meurt au printemps, d´où la descente aux Enfers et la Montée ou Ascension au Cieux.

N´oublions pas que la
pâque juive se nomme aussi la  « fête du blé » ! Ce jour  marque la fin du jeûne du Carême.
Le mot « Pâque », vient de l'hébreu
פסח Pessa'h « il passa [par dessus] » d'où « passage », est le nom de la fête juive qui commémore la sortie d'Égypte, mais d´après les Évangiles, c'est pendant cette fête juive[] qu'eut lieu la résurrection de Jésus ; c'est pourquoi le nom a été repris pour désigner la fête chrétienne..

Ces dates sont celles du calendrier grégorien, qui suit le mouvement du soleil et les saisons. En fait, elles sont basées sur le CALENDRIER LUNAIRE, comme celui utilisé par les juifs pour fixer notamment la date de la Pâque juive.

Ainsi, Pâques est célébrée le dimanche après le 14
e jour du premier mois lunaire du printemps, donc le dimanche après la PREMIERE PLEINE LUNE advenant pendant ou après l'équinoxe de printemps. Dans la pratique, il est plus simple de revenir aux origines : Pâques correspond au premier dimanche qui suit la première pleine lune de Printemps. En revanche, la date peut varier suivant la longitude de la ville où l'on effectue l'observation. Les catholiques choisissent Rome.

A l'annonce de la Résurrection, les fidèles reprennent en chœur les paroles suivantes: "Christ est ressuscité des morts. Par sa mort, il a vaincu la mort. Et aux morts il a donné la vie". La "lumière sainte" se propage dans l'assemblée des fidèles.

Pour les chrétiens, le symbolisme de la
lumière de Pâques a un sens cosmique. La référence à l'équinoxe et à la pleine lune n'est pas pour eux quelque chose de fortuit : elle est voulue par Dieu lui-même. Ce n'est qu'à l'équinoxe que le Soleil éclaire toute la Terre tandis que, au même moment, la pleine lune continue à réfléchir ses rayons pendant la nuit[]

On sacrifiait l´agneau alors qu´à Cérès, au printemps, on offrait un cochon, impensable pour la religion judéo-chrétienne. Les cendres de ces pourceaux servaient à abonner la terre.




Déméter et Perséphone accueillant une procession des mystères, porteuse de lumière,
 plaque votive en terre cuite peinte, milieu du IV
e siècle av. J.-C



La Purification de la Vierge à lieu 40 jours après Noel. C´est la présentation au Temple, motif du triptyque de Rougier Van Der Weyden pour sa fameuse toile « lupinienne » de Sainte Colombe, dite des Rois Mages.


Donc la date tombe, à présent,  le 2 Février, jour de la chandeleur ! (
champs de l´heure ou Heure des champs en langue d´oiseaux )

"Quand le soleil à la Chandeleur fait lanterne, quarante jours après, il hiverne". ( à propos de l´ours ) Remarquons que la quarantaine est toujours soulignée.

Chandeleur est liée à la LUMIERE. Mais aussi à la PURIFICATION, la FECONDITE, la PROSPERITE, toujours très proches dans les croyances et traditions. D´ailleurs februare signifie purifier.

« A la chandeleur, quand le jour croit de deux heures » on fait des crêpes depuis le Vº s.  Ce disque doré rappelle lui aussi
le soleil, dont le retour commençait enfin à se préciser les peuplades du Nord de l'Europe et pour les Celtes. La crêpe est faite à base du froment de la moisson précédente, que l'on utilise ainsi en quantité car les futures moissons ne sont plus très loin !

Dans l’Antiquité grecque
, à cette époque de l’année, on fêtait Perséphone, douce vierge du printemps , déesse de la nature et de la fécondité. La coutume voulait qu'au sortir de l'hiver,  toutes les femmes traversent les bois avec des flambeaux pour partir à la recherche de leur déesse et du printemps qui allait avec elle.

La Dame des bergers est bien présentée comme illuminatrice des trois autres personnages. Alors que par ce tableau c´est finalement l´artiste qui nous illumine.

C´est ce jour là que sortait Perséphone transformée en Coré et que les blés poussaient, par la joie provoquée par sa mère Cérès.


Poussin représente-il cette chandeleur ? Nous avons dit à propos des Mystères dédiés à Cérès et Perséphone qu´ils se divisaient en deux étapes les petits mystères qui avaient lieu au printemps et les grands mystères en septembre, avant l’automne.

Mais voilà nous avons un problème, en Grèce, les mois redoutables étaient ceux du  printemps et de l´été, ceux que Poussin inverse dans sa toile ! car la végétation manquait alors d´eau et donc souffrait de sécheresse, alors que l´hiver était doux et pluvieux, c´est alors qu´avait lieu la floraison. Poussin poussa-t-il l´hellénisation de son tableau à ce point ?


En réalité, il existe plusieurs types de blés. Le blé dur réussit bien dans les zones chaudes et sèches; très riche en gluten, c'est le blé des pâtes alimentaires.
Le blé tendre, celui qu'on transforme en pain, s'adapte mieux aux hautes latitudes.

Le «blé d'automne »,dit aussi « d´hiver » semé pour profiter au maximum de l'humidité hivernale et printanière, caractérise les régions méditerranéennes et tempérées.

Le «blé de printemps» signale les pays à hiver trop rude.

Le paysage montagneux peint par Poussin rappelle l´automne, par sa terre désolée, sèche, or les semis dit tardifs,  après le début novembre,  ne doivent être effectués que si les sols sont suffisamment secs.

La Dame, figurant l´automne se place aux côtés du Bergers Rouge qui lui représente le printemps, comme Coré.


Cérès habitait l´Arcadie, comme Pan et non l´Olympe. Coré, le grain, était MISE EN TERRE EN AUTOMNE.  LE GRAIN Y RESTE TROIS MOIS, donc y passait l´hiver, et nous avons trois Bergers qui pourraient figurer ce trimestre et les trois étapes : noirceur de la putréfaction, blancheur de la pousse ou levé, et enfin une couleur radieuse, chaleureuse comme le rouge, quand la plante a besoin de soleil, la Dame, donc à la Chandeleur, la sortie du blé.

D´ailleurs si c´était la chandeleur, ou l´heure des champs, Coré devrait être présente sur la toile du Maître. Ce qui n´est pas le cas , donc elle est retournée aux Enfers, symbolisé par ce fameux Tombeau d´Arcadie. Mais le vert ( jaune + bleu ) de la Dame annonce déjà sa sortie, qui donnera lieu au printemps.

La Dame était le Soleil qui est nuisant pour la graine, en été la graine est gardée dans l´obscurité, puis en automne elle retrouvera la noirceur de la terre sèche. La fertilité du sol étant lié à la mort, on comprend aussi  la présence du tombeau, celui de Perséphone.

 

Je pense donc que la saison, indiquée par Poussin sur sa seconde «version» des Bergers d´Arcadie, est l´automne, saison de la semence du blé dur importé d´Egypte, des travaux des champs et donc l´artiste peintre nous parle des Grands Mystères de Cérès-Déméter, liés à Perséphone-Coré, qui est au Royaume des Ombres, d´où la seule ombre visible sur la toile !

Mais si, sur le même thème, Poussin fit deux tableaux…nous parle-t-il aussi de l´automne sur son premier, le moins populaire des deux ?

Le tableau de Poussin, n´est pas un rappel à la mort, pas un « Momento Mori » , donc pas un « Souviens-toi que tu mourras », mais plutôt le contraire :
 « rappelles-toi de l´Arcadie avec ses  Mystères d´ Eleusis » ou « comme la Nature renait, toi tu renaitras »

 

Poussin est au centre du Cercle, comme fils de l´homme et fils de Dieu.

Fils de l’Homme “ est le titre que Jésus a employé le plus souvent, plus de 80 fois, pour se décrire à ses contemporains.

Apparemment, il est le seul à avoir utilisé cette expression qualifiée de « mystérieuse » dans l’Évangile.

Par cette dénomination, Jésus voulait affirmer à ses disciples sa double origine divine et humaine :
« Le Fils de l’Homme » n’est pas seulement « un fils d’homme », il est aussi « Fils de Dieu ».

Il dévoile un mystère que les théologiens appelleront plus tard « l’union hypostatique » : c’est-à-dire que Jésus est vrai Dieu et vrai homme.
 Son existence, à la fois éternelle et temporelle, comme Coré, est entièrement contenue dans cette expression.
Comme en haut en Bas !

Comme Vinci , Poussin souligne cette immortalité, car l´étincèle divine est en lui, comme en chacun de nous.

Contrairement à ce que l´on pense le célèbre tableau des Bergers d´Arcadie de Nicolas Poussin, n´est donc pas un « Momento Mori », mais va bien au-delà…
Nous pourrions exclamer comme le fit
Virgile :
«
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses ».

Poussin pourrait avoir dit comme le fit MUCHA :
L’objectif de mon ouvre n’a jamais été de détruire, mais de construire, d’édifier des ponts, car nous devons toujours garder l’espoir que l’humanité toute entière se rapprochera, et ce plus facilement, si elle se connaît mutuellement”.
C´est bien là l´essence des Mystère d´Eleusis.



« Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.

Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle. »

Jean 12, 24-25





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POUSSIN L´ARCHITECTE