LES TROIS PILIERS D´ARCADIE




 


  

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles:
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Charles Baudelaire. Les Fleurs du Mal

- XI- LES TROIS PILIERS D´ARCADIE : LES BERGERS D´ARCADIE ; LES DEUX TABLEAUX DE POUSSIN


On parle toujours de deux versions des Bergers d´Arcadie faites par Poussin, comme si l´artiste,

mécontent de la première, aurait exécuté la seconde jugée plus parfaite par beaucoup.

Après les avoir étudié à fond, à mon humble avis, j´en arrive à une conclusion bien différente…

Au chapitre précédant nous avons constaté que DIA, n´est autre que Cérès- Déméter, la mère, la terre nourricière.
 Son nom, donné dans le titre de ses deux œuvres :  ARC-a-DIA, cercle de Cérès, annonçait la couleur.
Mais surtout sa présence est soulignée sur le premier tableau réalisé par l´artiste, où le mot Dia est dégagé.

La dite seconde « version », la plus fameuse des deux,  annonçait l´Automne.
Est-ce le cas pour son premier tableau ?

Voyons ceci de plus près !

 

 LES BERGERS D´ARCADIE : LES DEUX TABLEAUX DE POUSSIN

 












Sur la première « version » des Bergers d´Arcadie, comprenant également quatre personnages, le berger, cette fois,  montre le D de l´épitaphe.

Ce D est la lettre Dalet  de l´alphabet hébreux qui occupe la quatrième place et signifie PORTE. Porte terrestre ! Sortie …ou entrée ….de la condition humaine…naissance ou mort.  Mort  qui justifie peut-être la présence du crâne sur le tombeau.


Crâne particulier plus caractéristique d´une momie très bien conservée par le nez avec ses narines,  l´œil qui regarde vers ce D, la lèvre supérieure et l´oreille qui sont bien visibles.

D´ailleurs, c´est  à cause de l´ombre sur la  joue, qu´on associe cette tête à un squelette. Pourtant cette ombre pourrait aussi dessiner un sourire sur une joue bien carnée d´une personne chauve et décapitée qui garderait sa bonne humeur !
Bizarre n´est-ce pas ? mais tout trouve son explication ici, comme nous verrons.

Le paysage semble aussi désolé et hivernal, mais plus lumineux. Notons que le berger central porte une peau d´animal autour de sa taille qui ne le réchauffe plus.


Les couleurs sont plus froides, plus pastelles aussi que sur sa seconde « version », mais plus nitides, plus lumineuses aussi. Car à part le jaune de la Dame aux Bergers associé à un peu de rouge, les habits de la seconde « version » sont plus sombres, même le blanc semble jaunâtre.

 

Le vert domine et l´eau est plus abondante… Ce personnage vert est lié au cycle de la nature et à la renaissance, au printemps. Plus precisement, la fin de l´hiver.

Nous avons déjà rencontré cet
homme Vert ,opposé à l´homme Rouge qui lui débute l´hiver, celui de sa deuxième « version », à propos de son ALLEGORIE DE LA VIE HUMAINE OU DANSE DE LA MUSIQUE ET DU TEMPS dont  je vous propose de relire ce passage, pour bien suivre.  Sinon retenons que cet homme Vert annonce l´ approche du printemps.

Voici déjà quelque chose qui marque une différence avec la second tableau !


Cycle de l´eau
qui en changeant d´état la fait revenir sur terre et les feuilles d´olivier, même sans fruit , sont signes d´immortalité.  Ce personnage représente une rivière d´ARCADIE,  l’Ilissos où avaient lieu les Mystères d´Eleusis. Eleusis qui signifie en grec le «  Retour », se situe sur le mont Olympéion. ( voir aussi le Styx rivière qui unit l´Arcadie aux Enfers, puisque comme l´autre, elle s´enfonçait aussi dans la terre)

C´est là, pour fêter ce retour de Perséphone-Coré au printemps, qu´avaient lieu les petits Mystères de Cérès. La mère désespérée retrouvait enfin sa fille. C´est à ce moment qu´avaient lieu les initiations. Nous avons bien le genou, le caput et l´habit blanc de néophytes.

C´est à cette époque que l´on lui sacrifiait un cochonnet, plus tard remplacé par l´agneau pascal . Regardons bien cette première version de Poussin, l´artiste ébauche, sur le mur derrière le tombeau une croix d´où semble avoir coulé du sang.

La croix de l´Agneau.

La femme porte
le blanc, celui du deuil , elle est décoiffée et montre son sein comme si l´on lui avait arraché son enfant.  Elle, mère désespérée, montre son genoux c´ est une initiée une future initiatrice.

 

C´est la mère nourricière, Déméter- Cérès, source de lumière. Ici elle représente le printemps…Car le blanc, couleur du linceul , est aussi celui de l´aube ! De la naissance !


Ici aussi nous avons nos
quatre SAISONS : Vert de la fin d´Hiver, mais hiver enfin de compte, comme dans l´Allégorie de la Vie Humaine, le Blanc lumineux du Printemps, le Bleu du ciel méditerranéen en Eté et finalement le Jaune-Ocre de l´Automne.

Ce blanc linceul si lumineux ici, semble sal sur sa deuxième « version », le printemps , la lumière s´éteint et cède sa place au jaune caractéristique de l´automne.

La première « version » des Bergers d´Arcadie, nous parle du Printemps et du Retour de Perséphone à la superficie.  Il s´agit des Petits Mystères.

La seconde « version », exécutée à une époque où le peintre est plus âgée, représente la suite,  les Grands Mystères de Cérès, qui se déroulaient en automne.

L´eau est moins abondante aussi.

 

Cérès a passé six mois avec sa fille et sait très bien que celle-ci reviendra. La Dame en jaune n´est pas désespérée au contraire elle semble consoler le Berger rouge.

Lui qui a du mal à  indiquer le R, celui du RETOUR annoncé, promis.

R est la 18ième lettre de l´alphabet et la 14ième consonante.

14 = 4 + 1 = 5 ou V,  le Pape, lien entre le Haut et Bas. l´Homme divin !

 

Le Pape se complémente avec le XV, le Diable, la Bête au nombre 666 pour donner le XX, le Jugement !

XVIII est la Lune du Tarot  et nous avons déjà comparé cette Dame avec la Triade Féminine Lunaire. 18 = 1 + 8 = 9 l´Hermite éclaireur, mais 18 =  666, les Trois Philosophes, Maîtres ou Archontes de Giorgione, de Vinci et de Poussin.


Remarquons aussi que les bâtons des bergers qui montrent ou soulignent une lettre,  sont inversés l´un par rapport à l´autre.  Bout courbé en bas sur le second tableau, ce qui indique la terre, mais pointant vers le ciel sur la première « version ». Donc Haut et Bas sont indiqués. Au printemps Perséphone- Coré sort de l´Enfer, du sous-sol tandis qu´à l´automne le voyage sera inversé. Ceci est aussi indiqué par les lettre D et R.


LE D ET LE R DONNENT LA CLEF



Revenons un instant sur les lettres D et R , celles de l´alphabet hébreux ont leur signification. La première lettre montrée est un D, puis ce sera le tour du  R.  Poursuivons l´explication dans ce sens, pour comprendre l´évolution.

D, Dalet ou Daleth :  D occupe la quatrième position. Dans le 4, l'opposition du 2 prend forme et s'imprime dans la Création.


D signifie la PORTE. Lorsque nous sommes à l'extérieur d'une maison, nous percevons l'intérieur à travers sa porte, manifestée par la lettre daleth. De même, nous percevons la création à travers la Nature. C´est bien de cette Nature et de celle de l´homme, donnée par sa condition dont nous parle Poussin.


Le Cercle de la Vie est structuré en 4 secteurs dont le passage nécessite un accès, une porte.

La valeur 4 de daleth symbolise l'Univers créé, formel et matériel, base de toutes création durable.
Le 4ième  jour de la création correspond à l'apparition des
corps lumineux rythmant LES SAISONS, les jours et les années. La séparation de la lumière et des ténèbres.

La valeur pleine du nom daleth est égal à 434. Or  434 = 11 = LA FORCE, celle d´une mère qui cherche son enfant

Daleth, c'est la porte du Monde et la stabilité de la Création
.

Daleth rend la parole créatrice et permet une action individuelle sur les choses, la concentration de la pensée et de la volonté. Rappelons nous d´Arkho, la Parole, le Verbe, qui nous mena aux trois Arkhontes ou archontes, les Bergers de Poussin.

Le mot daleth vient de la racine dal signifiant vacillant, chancelant. Tous ces mots évoquent l' affaiblissement et l'appauvrissement de la lumière dans les degrés inférieurs de la création.

Son sens en hébreux est celui d´
ouverture, porte, commissure (des lèvres- celles de ce mystérieux crâne ?), pauvre, indigent, faible, maigre, affaiblir, diminuer, défaire, détacher , tresses et boucles de cheveux ,retirer, DELIVRER, sauver, branche.

On comprend alors pourquoi Poussin représente des bergers et de plus  frisés

La forme de cette lettre est constituée par deux lignes formant un angle droit représentant un
homme courbé, avec un point à l'angle, symbolisant la conscience de l'ego.


Ces deux lignes sont deux vav, l'un vertical, l'autre couchée. La ligne supérieure s'étend de Hokhmah (
SAGESSE) à Binah (CONNAISSANCE) et la ligne verticale de Hokhmah à H'essed (BONTE).



La Parole ARKO s´inscrit dans le dessin ALPHA et Cérès et Omega l´Enfer





R, Resh : La lettre rech est identifiée à roch, la tête.  La tête qui a disparue, remplacée par le ROCH, sous le pied du berger rouge. C´est bien aussi un crâne lise que dessine l´ombre du berger frisé sur le tombeau, duquel on ne voit pas la bouche ! Nous parle-t-il par ce silence ?

La courbure du rech montre un changement de direction offrant le choix entre l'élévation et la dégradation.
Rech est le symbole de la pensée, de l'intellect, de l'énergie mentale, du déclenchement. Le Momento Mori servait bien à cela , à nous faire réfectionner sur le sens de notre vie.

Autant par son nom que par ses graphismes les plus primitifs, il est certain que la lettre Resh représente
une tête humaine vue de profil. Ce qui arrive sur ces deux tableaux !

Cette tête cherche à symboliser la conscience qui nous domine, l'origine de toute chose et le sommet de l'existence. Il s'agit d'une
tête humble et dépouillée, car le chas de l'aiguille du Qof, qui précède le Resh, ne laisse passer que l'essentiel, uniquement les forces ayant eu la capacité de véritablement s'unifier.  

LA TETE SANS CORPS EST L'ESPRIT MANIFESTE, LIBERE DES CONTRAINTES CORPORELLES.

Le nom de la lettre "Resh", est un mot évoquant la pauvreté et la misère mais, par sa racine, dans le sens de "repartir de zéro".
Mais le sens premier vient du mot "Resh" araméen signifiant 'tête' et qui correspond au mot hébreu "rosh", qui en plus de la signification "tête", évoque aussi le 'principal" et le "plus haut en son genre".

La lettre Resh représente la valeur 200, qui est la dualité des principes et l'âme du cosmos.
Cette valeur est la gématrie du mot 'étsem", dont le sens est
"substance", 'essence", "os", et du mot "qadmon", "archétype", "ancien", mot rejoignant le principe" du Resh.

La valeur pleine de Resh est égale à 510.  Et  510 = 6 , sceau de Salomon, Haut et Bas qui s´interférent.


Une permutation de Resh, fait apparaitre "Shir", le 'cantique", qui signifie également "résidu", "
quintessence".


L´ESSENCE DES DEUX TABLEAUX

 

Quelle est donc l´essence contenue dans les deux œuvres de Poussin ?
Remarquons le « voyage » effectué par cette tête, d´abord sur le tombeau puis sur celui-ci, passant alors au Royaume des Ombres.

D est donc la Porte qui rythme les Saisons, c´est bien dans la mythologie grecques le sens qu´avait Cérès, dont la recherche désespérée avait soumis  la terre dans la misère. En récupérant sa fille la ronde des saisons commence. Avant elle, le règne de l´agriculture était le domaine de Saturne aidé par Janus, c´était le paradis, il n´y avait pas de saisons.

Perséphone est alors Délivrée et les saisons commencent leur ronde. L´homme se courbe pour travailler la terre avec  sagesse, connaissance donnant ainsi naissance à  une ère de bonté. C´est le printemps de l´humanité !


C´est avec l´automne, la saison de la mélancolie, que le R fait son apparition. On se libère des contraintes corporelles de la dualité des principes, des passions, on ouvre son âme au Cosmos. Notre conscience et notre esprit se manifeste par l´approche de la mort. Ils cherchent l´Origine de toutes choses, la Parole, le Verbe créateur, Dieu. En quête d´une essence, un possible enseignement apporté par un archétype ancien, une quintessence qui nous permettra de fermer cette Porte, de ne plus avoir peur de la Mort, puisque la Ronde est infinie.



ENSEIGNEMENT ANCESTRAL DIT CLASSIQUE

Afin de bien comprendre les deux tableaux dits Bergers d´ Arcadie, œuvres de Poussin, il faut se placer en ce pays, à cette époque et en étudier la religion dominante.
D´ailleurs par l´inscription « Et in Arcadia Ego », « je suis en Arcadie »  Poussin propose bien un voyage sur les terres arcadiennes. C´est ce que nous venons de faire.


L´artiste ne répète pas le thème, il le suit, le prolonge, malgré les dires des spécialistes en peinture, historiens de l´art et non de l´Histoire. Voilà ce qui arrive avec la  spécialisation de nos métiers qui aujourd´hui n´offre qu´une maigre vision des choses, bien limitée et appauvrie, par rapport à la culture qu´avaient les hommes de jadis, plus manifeste à  la Renaissance et plus ésotérique auparavant, quand l´homme était plus près de la Nature.  L´essence de cette pensée est contenue dans les Mystères de Cérès.

Pourtant les Mystères de Cérès transmis de façon ancestrale, sont présents le long des siècles sur les œuvres d´Art, de façon plus ou moins explicite selon la facilité des artistes de se dépouiller du christianisme dominant et la possibilité de démontrer que le symbolisme chrétien était antérieur au Christ.  Donc l´art classique, qui donnera le Néoclassique, chercha plutôt la parfaite maîtrise d'un idiome, d´un modèle de pensée.

Voyez une définition de cet art classique dans la peinture : « La peinture classique tend vers un idéal de perfection et de beauté à travers des sujets nobles, de préférence inspirés de l'antiquité ou de la mythologie gréco-latine tels que les figures héroïques, les victoires ou la pureté des femmes.

Les peintres classiques cherchent à symboliser le triomphe de la raison sur le désordre des passions: la composition et le dessin doivent primer sur la couleur, le concept sur la séduction des sens. C’est pour cela que des règles précises et strictes doivent exprimer la représentation de la Nature.

La peinture classique porte à la méditation et étudie les maîtres nouveaux pour exprimer la morale et, par ailleurs, le drame. Les cortèges triomphaux occupent une large place ainsi que les sujets qui exaltent les sentiments. »

On retrouve bien là l´essence de l´art de Nicolas Poussin, le stoïque et non précieux, concentré dans les deux tableaux nommés les Bergers d´Arcadie. 
On l´appela « le peintre des gens d'esprit » et on disait que même ses plus petites de toiles renferment un poème entier.



Tapis de Lebrun à Fontainebleau ( image de Raoul, que je remercie )

« Pour que l’homme devienne homme, qu’il contracte plein de foi une alliance éternelle avec la bonne terre, le terrain qui fut sa mère. »
 Schiller, poème « la fête d´Eleusis »


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