Par ce Signe tu le Reconnaîtras !
Ou le langage des mains(5)
Portraits et Autoportraits

Détails du haut des battants de la porte de l´ermitage St Antoine de L´Alcudia ( Valence / Espagne )


        
Chevalier à la Main sur la Poitrine, Histoire d´une signature faussée !


L'art de peindre n'est que l'art d'exprimer l'invisible par le visible.
 Eugène Fromentin dans Les Maîtres d'Autrefois

 

Vue la polémique suscitée autour des retouches bitumées sur la toile de Saint Antoine à Notre Dame de Marceille de Limoux,  retouches qui cacheraient les tentations et  pourraient avoir donné lieu à une fausse signature, ( voir ) je trouve ce Greco fort intéressant outre la position de la main.

Le Fond

 

Ce tableau que l´on retrouve sur tous les livres scolaires castillans, pour illustrer le « clair-obscure » en matière de peinture, est une œuvre privilégiée, par son auteur, bien que son génie ne fut reconnu qu´à travers les romantiques, et par sa localisation au  Musée du Prado. Il eut donc droit à une restauration aux mains d´experts reconnus mondialement. Rafael Alonso Alonso, comme restaurateur spécialisé du Greco en fut chargé.

 

Ce que dévoilèrent les rayons X c´est que la toile avait été élargie deux fois. ( Comme celle des Bergers d Arcadie de Poussin au Louvre ) La première en prenant la toile qui recouvrait  le dos du bois, la seconde en ajoutant une autre toile tout autour, ce qui élargie grandement cette peinture, plus apte aux goûts du baroque. Afin de cacher ces manipulations on peignit le fond en noir en respectant le personnage central qui lui ne subit que l´air du temps. Alonso récupéra la taille originale de l´œuvre du Greco et la couleur du fond. Le tableau qui mesurait  74 / 58 vint à avoir une taille de 81,8 / 65, 8. Avant d´appartenir au Prado cette œuvre appartenait au Duque del Arco.

Cette « nouvelle » couleur, pourtant originale, suscita de fortes polémiques, le tableau n´appartient plus au « clair-obscur », bien que cette teinte soit, paraît-il, «  plus indicatif d´un fond typique du Greco » !  affirmation qui n´est pas toujours vraie ! Ce Chevalier était un exemple, par la noirceur environnante de laquelle il  émergeait tel un fantôme, de l´ obscurité  du règne de Philippe II… Il suffit d´examiner les tableaux de son
Escorial , ( Van Weyden, Raphaël, Le Bosco, Benvenuto Cellini etc.…) pour conclure de la fausseté de ce fait. L´histoire de la littérature aussi nous dit que l´Espagne vivait son Siècle d´OR.  Le Greco lui-même était entouré de gent de lettre et pas des moindres dans son Tolède adoptif. Alors ?…alors quand on capte mal une époque, elle devient obscure par nécessité.


Ce pigment noir ne cachait RIEN que la luminosité du fond. Ce ne fut qu´une histoire de MODE, qui fit noircir et élargir le fond !


http://www.disfrutamadrid.com/fotos/caballero-mano-pecho.jpg https://lh3.ggpht.com/-kitpepKr3eM/UlJrqHP_J-I/AAAAAAAAAbo/DmPEK0XGILQ/s1600/El_caballero_de_la_mano_en_el_pecho.jpg
Avant la restauration et après la restauration

La Signature :  C´est lors du nettoyage qu´Alonso s´aperçut de la fausseté de la signature, sur le côté droit au-dessus du bras. Le Greco qui signait en sa langue natale, Domínikos Theotokópoulos le faisait en minuscules et non en majuscules, ne commettant pas de fautes d´orthographes ! Alonso laissa des traces de cette signature après restauration, puisque le tableau n´en pressentait aucune. En fait elle est plus ou moins à sa place si on la compare à celle des portraits suivants.


 

Un autre fait, qui vient s´ajouter à cette polémique histoire de restauration, correspond aussi à des idées établies pour beaucoup, c´est que ce Chevalier ne serait autre que Cervantès ! Puisque son bras gauche n´était pas visible il ne pouvait s´agir que ce grand de la littérature qui perdit son membre à la bataille de Lépante.
De là le nom qu´on donna à ce personnage peint : Le Chevalier à la Triste Figure ! Mais il n´a pas l´air triste, mais solennel.

Nous ne savons pas qui il fut, des noms sont donnés bien entendu, par contre tout le monde est sûr que le Greco représenta un Chevalier, à cause de l´épée, tenant jurement une main droite rayonnante sur le cœur.

 


Main du Christ sur l´ « Expolio »  à la cathédrale de Tolède

L´Autoportrait de l´Artiste à Tolède

Beaucoup disent qu´il s´agit de l´autoportrait de l´artiste, mais le Greco ne fut jamais nommé chevalier. Il  arrive de même à ce personnage de l´image de notre gauche. Mais son autoportrait existe et il se trouve à Tolède dans la petite église de Santo Tomé, où j´ai pu l´admirer, sur son fameux tableau de l´Enterrement du Comte d´Orgaz.


http://www.antoniohernandez.es/Arte/imagenes/07%20Cinquecento/MANIERISMO/GRECO/207%202%20Entierro%20del%20Conde%20de%20Orgaz%20-%20Zona%20inferior.jpg


 

Fragment du Comte de Orgaz , partie terrestre. Cliques sur l´image
Autoportrait du Greco
Son fils, avec la signature de son père sur le mouchoir ( cliques dessus pour agrandir ) et signalant la rose

 


C´est un hommage au Greco, dont je n´apprécie pas trop le coup de pinceau, mais qui est l´artiste qui m´a mis sur la piste du langage des mains.

 

C´est ainsi que j´ai remarqué la pose de Fludd , présumé Grand Maître du Prieuré de Sion, mais aussi celles des Botticelli, artiste qui adhère à la même liste de GM. Les Vinci arriveront plus tard.

 

J´avais relevé, il y a longtemps, avec l´aide précieuse de Sacha, la main de saint Antoine de Notre Dame de Marceille, à présent : sa main gauche prend l´énergie de son cœur, porte intérieure du soi, tandis que sa droite, la donneuse, l´envoie à l´extérieur, porte de la grotte, ouverture au Monde.


 

Le Chevalier du Greco fut « retapé » pour des besoins  esthétiques passagers. Est-ce le cas pour ce Saint Antoine ? Et celui des Bergers d´Arcadie ?

 

Pourquoi pas puisqu´ à une certaine époque les Crucifixions sont épurées et deviennent aussi sombres que le Christ solitaire, pourquoi pas ôter les monstres des Tentations placées dans nos temples ?

 
Comparez les gravures représentant Fludd, supposé GM du Prieuré de Sion, prêtant un jurement avec le Chevalier du Greco



« Combien de fois ne vous ai-je parlé de ce pauvre Greco.
N'est-il pas vrai que son œuvre semble empreinte de quelque horrible tristesse.

Avez-vous remarqué l'étrangeté de ses portraits ? Rien de plus funèbre.
Il les ordonne avec deux gammes : le noir , le blanc. Le caractère en est frappant. »

Lettre de Zacharie Astruc à Manet le 20 septembre 1865.





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