Le Jugement Dernier  du Tympan de la Cathédrale Notre Dame d'Amiens-
Photo de Janus.

Rogier Van  der Weyden

&
le Duc de Bourgogne


Ou
La  polémique balance
du Jugement Dernier de l´hospice de Beaune

Ou
Ce que la Science révèle …et que l´œil ne voit pas.



Weyden et le Duc, Philippe le Bon



Voici un témoignage rédigé par un chroniqueur anonyme, Bruxellois, qui traduit les pensées du Maître:

 

"J'ai longtemps hésité quant à l' orientation de la balance tenue par l'Exécuteur des Sentences du Juge Divin (l'Archange Saint Michel).
Étaient-ce les âmes emplies de vertus qui devaient faire pencher la balance vers le bas ou bien les âmes lourdes de péchés ?

Les Docteurs de l'Eglise et mon Conseiller en théologie hésitaient eux aussi. Mais Monseigneur le Duc m'avait donné des consignes précises, en indiquant que, "comme la Toyson d'Or rayonnante de lumière, vostre oeuvre devrait élever l'âme vers les hauteurs".

J'ai choisi la deuxième représentation, celle qui élève les âmes légères vers la lumière et précipite les âmes noires vers les enfers."

La Science révèle cette hésitation

La Balance devait-elle donc pencher à droite ou à gauche ?

Cette hésitation a pu être vérifiée récemment lorsque les investigations scientifiques l'ont permis. Les savants ont pu apporter la preuve de ce doute créatif et mystique : lorsque l'on explore la peinture aux rayons X, et surtout la balance tenue par l'Archange, on distingue fort bien l' ébauche tracée au dessin, un fléau de la balance basculant vers la gauche.

Son "erreur" d' appréciation (esthétique aussi, dirons nous,) rectifiée, la création définitive peut donc se réaliser dans une logique mystique des plus efficaces, contredisant d'un coup de pinceau magistral tous les jugements derniers des "Livres de Pierre" des tympans des cathédrales romanes ou gothiques (XIII° notamment), comme celle d'Amiens par exemple.




 
Détail du cliché au RX du Jugement Dernier de Weyden

Les artistes au service des Initiés : Le duc, son chancelier et l´artiste

 

Oui, l'artiste a suivi les désirs de Philippe le Bon mais aussi de Nicolas Rolin.

Quant à l'esprit de l’œuvre, réalisée à Bruxelles en plusieurs panneaux (plus facile pour le transport jusqu'à Beaune), c'est aussi Nicolas Rolin qui est intervenu, car il est clair que le Chancelier informait presque au jour le jour le Duc  de ce qui se faisait sur le projet de l'Hôtel-Dieu. De toute façon, rien de ce qui touche aux Hospices de Beaune ne s'est fait sans un accord intime entre le Duc et le Chancelier Rolin.

 

Jan Van Eyck et Philippe le Bon



Jan van Eyck n'entre au service de Philippe le Bon qu'en 1425. Auparavant, il était au service du Prince Evêque de Liège, Jean de Bavière. Il a d'abord travaillé comme enlumineur, notamment pour le duc Guillaume IV de bavière.

Au service de Philippe le Bon, il est Valet de Chambre, en fait Secrétaire Particulier de la Maison Privée du Duc, fonction très intime et très proche, comme un confident, plus qu'un ami, ce n'est pas un domestique. Il est aussi nommé Peintre officiel. Grâce à son immense culture artistique et politique, polyglotte (il parle 6 langues en plus du latin), il est chargé par le Duc en personne de plusieurs missions (dont certaines secrètes) pour négocier en lieu et place des diplomates officiels. Il a été en Angleterre, à Prague, en Italie, en Espagne, 1426/27, et au Portugal d'où il expédie au Duc le portrait de la princesse Isabelle qui deviendra son épouse.



http://www.art-roman-conques.fr/Images/Amiens_pesee.jpg

Amiens

 

Jan van Eyck a certainement négocié lui-même le contrat de mariage et surtout les conditions de voyage de la Princesse. On a retrouvé les titres de pension versée par le Duc à raison de 100 livres annuelles, ce qui pour l'époque était énorme.

 

Philippe le Bon tenait Van Eyck en très haute estime, pour se qualités de peintre mais aussi pour ses qualités humaines. Van Eyck est devenu le parrain de l'un de ses fils  (on connaît 16 maîtresses officielles au Duc et 32 enfants dont 5 légitimés, dont Antoine le Grand Bâtard, fils de Jeanne de Presles).

 

Jan van Eyck est mort prématurément en 1441. On sait par plusieurs témoignages que le Duc a été très affecté par sa mort. Certains disent qu'il ne quittait plus son vêtement noir pour marquer ce deuil qui l'a touché au plus profond.



Oui, la vie de van Eyck a dû être passionnante, artiste, intime du grand Duc d'Occident, diplomate, voyageur, penseur, créateur.....

Il n'y avait pas entre Weyden et Philippe le Bon les mêmes liens qu'entre Van Eyck et le Duc, loin de là. Mais le duc estimait Weyden, ça on en est sûr.


Sources : Joseph Calmette et de Jean Philippe Lecat «  Philippe le Bon » ; Commynes

 

Weyden et le Diable
Ou ce que l´on que l'on voit mieux quand on est devant l'original



Quand Weyden a fait pencher la balance de l'autre côté certains ont cru que c'était pas pessimisme à cause de l'époque terrible dans laquelle il vivait : peste, guerres, meurtres .....   Le nombre d'âmes sauvées dans le retable est faibles, les damnés bien plus nombreux : mais Weyden s'est expliqué sur cette critique et a répondu : "l'espoir est là: la lumière attire et toujours elle attirera, les purs seront sauvés, les impurs verront leurs erreurs et sauront trouver le chemin du salut."

Il y a des détails qu'on ne peut voir qu'en étant devant l’œuvre, sans compter la fascination d'être vraiment devant elle et de presque pouvoir toucher la matière, car à Beaune il n'y a pas de vitre sur les panneaux. C'est le contact direct.


Dans le dernier panneau, celui des enfers, là aussi le diable est caché par Weyden, pendu à l'envers. Mais avec la loupe on distingue très bien.
Mais ce diable est aussi caché au Paradis ( Voir Image, sur l´angle du tissu rouge )




On peut se poser  des questions ? que fait le diable du côté du Paradis? Le jeu n´est alors toujours pas fini? Et pourquoi à l´envers du côté où il triomphe? Comme si du Pendu du Tarot il s´agissait ! A  méditer !

Weyden était un adepte de la Théosophie, la Pensée qui essaye d'unifier toutes les religions. Bien entendu il ne le disait pas de peur d'être accusé d'hérésie.

Le jeu n'est jamais fini, c'est exactement le message de Weyden, adepte de la théosophie.  La lutte entre la Lumière et les ténèbres est l'essence même du mystère suprême, chacun ne peut pas exister sans l'autre. La recherche de la Lumière ne peut pas être accompli en une seule vie par un être humain. Seuls quelques initiés y parviennent et forment une chaîne parfois ténue et très étirée, éloignée dans le temps : ces êtres de lumière, Moïse, Gilgamesh, Râ, Bouddha, Jésus, Mohammed, sont des exceptions qui sont les champions de ce combat éternel :   C'est le message de Weyden.


Cette façon de cacher le seigneur des Ténèbres devait être tout à la fois une volonté de l'artiste de le laisser dans l'ombre des ténèbres le plus possible mais malgré tout de le faire apparaître. Seul un oeil exercé, un initié ou tout simplement quelqu'un qui prend le temps d'aller au fond des choses peut tout voir.


Et puisque l´on parle d´Aiguille Creuse
, savez vous qu' Antoine de Bourgogne est mort à Tournehem, dans le Nord et aimait énormément le Pays de Caux, d'Etretat à la Baie de Somme ? Aujourd'hui il y a à Tournehem des gens fanas du Grand bâtard de Bourgogne. ( Voir le portrait de ce personnage à la fin de la page Weyden )


Autre chose, dans ce retable du
Jugement Dernier de Rogier Van der Weyden, à Beaune, il y UN SEUL personnage qui NOUS regarde : savez-vous qui est-ce ? Curieux, non ? 


Janus



         




Michel signifie «  Qui est comme Dieu » .
 Cet Archange est le prince de la milice céleste (Daniel 12,1),  le chef du combat spirituel, il terrasse le dragon (Apocalypse 12, 7-8),
 arrache au démon le corps de Moïse (Jude, 9) et préside la pesée des âmes.

La balance du Jugement Dernier :


Avez-vous remarqué la ressemblance avec les images égyptiennes du « Livres des Morts »  et cette pesée d´âmes chrétiennes ?
Remarquez aussi que chez Memling l´axe, sous la balance de son Saint Michel, lors du Jugement Dernier, en forme de X , semble modifier
ou truquer le résultat..
Hésita-t-il lui aussi ? Il  ne suivit point les pas  de  son maître, en ce qui concerne la balance. Certes il est plus artistique mais moins ésotérique.
Comparez les deux Jugement derniers :
Weyden  et Memling.


 http://www.collegesherbrooke.qc.ca/~bourgech/automne99/6111t/thibaultpm/MEMLING/JPG/trypjugder02d.jpg
http://www.teaser.fr/~yaccard/cosmos/maat.jpg

 
Saint Pierre le Jeune, remarquons que l’ange «triche», donnant littéralement un coup de pouce.

Les plateaux des Jugements Derniers dans la peinture :

 

Vézelay

- Van Eyck 1420-25, son Saint Michel ne porte que l´épée

- Memling la balance penche bien du côté des âmes pures….pas chez son maître !
1467-71

- Il y a aussi en peintures des œuvres où  personne ne pèse les âmes ni l´Archange, ni Abraham !

Comme celui de
LOCHNER, Stefan de 1435, le Bosco, plus connu, Durer ,
 Lucas van Leyden, et celui de Miguel-Ange ! Mais ces derniers sont postérieurs.

http://www.arch.wsu.edu/classes/ghod1/class_material/16%20-%20Romanesque%20Design%20-%20Portals%20of%20Piety/images/image061.jpg

Autun


Les livres en Pierre des Cathédrales :


- Saint Lazare à Autun
1130-45 - personne ne tient la balance - présence du diable à côté.

- Notre Dame de Paris 1163-1345 -Saint Michel pèse - présence du diable à côté - mais un petit démon truque le poids.

- Marie Madeleine au Vézelay, Saint Michel y est - présence du diable à côté - le petit démon est mis de côté.

- Cathédrale de Reims 1230..Bizarre ! Mais ici c´est Abraham qui pèse, on ne connaît pas son barème !

- Celle de Strasbourg - personne ne pèse !

- Cathédrale de Léon en Espagne-1250-1300 - Saint Michel pèse - présence du diable à ses côtés.

- Sangüesa en Navarre - Saint Michel pèse - sur un plateau une colombe et le petit démon truque le poids



Tous les plateau s´élèvent vers notre droite ! leur gauche !

Donc notre Weyden serait innovateur : l´Âme Perdue pèse, et la Lumière non ! Intéressant

Adela



Reims : ici, c´est Abraham le peseur d´âmes